Micro architecture et interstices urbains : une solution urbanistique durable ?

C’est d’abord en 2015, au détour d’une exposition présentée au Hangar 32 sur l’Ile de Nantes, à Nantes, Design l’Expo : le design, une démarche d’innovation, puis en 2017, à l’occasion du Voyage à Nantes, que je fus interpellée par le projet de l’architecte Myrtille Drouet, Micr’Home (Projet 2015Réalisation 2017). Mais évidemment (!!!) ce concept représentait  une solution parmi tant d’autres à l’urbanisation durable des villes. Comment ? Densifier le tissu urbain au moyen de deux outils : les interstices urbains et la micro-architecture. Quelle idée inspirante !

Le mini, le petit, le réduit et le micro sont architecture,

« faire de l’architecture réside dans la dimension qu’on lui donne, il n’y a pas de seuil minimum. » (1)

J’ai cherché de-ci, de-là sur le net avec des mots clés tels que « micro architecture » ou « mini maison », et diverses références telles que des sites Internet, des documentaires ou des ouvrages, ont nourri et entretenu ma curiosité sur le sujet.

Un pays semble pionnier dans le déploiement de ce type d’habitat, le Japon. Face à une urbanisation exponentielle des villes, ou plutôt des mégalopoles nippones, les architectes, urbanistes et autres penseurs du fait urbain ont dû trouver des solutions, et la micro architecture en est une. Les maîtres mots sont rationalisation et fonctionalité de l’espace. Dans ces logements, les espaces sont modulables et ont des fonctions qui souvent se superposent : la cuisine devient séjour, la chambre se transforme en bureau, le toit devient terrasse et/ou jardin, etc.

En raison de leur moindre emprise foncière, ces micros habitats ouvrent un champ des possibles en termes de territoires d’implantation. La ville comporte des vides, des espaces vacants, des entre-deux comme une friche, un espace entre deux murs aveugles, un toit-terrasse, etc., et selon l’architecte-designer Laurent Karst,

« lire le tissu urbain par l’observation à la fois des pleins et des vides, des espaces non construits, de leur occupation et de leurs usages, doit permettre de définir de nouveaux lieux à investir, des lieux ouverts à l’appropriation et à l’imagination.  » (2)

En étant des espaces oubliés ou invisibles, ces lieux deviennent potentiellement des lieux (ré)appropriables (2) par ce type d’habitat.

Katia Gagnard – Chargée des expositions au FRAC Alsace – en s’appuyant dans son article (3) sur l’expérience artistique d’Etienne Boulanger Plug in Berlin 2001-2003 (4), revient sur la notion d’interstice. Elle montre que dans un souci de densification et de rationalisation de l’espace public, les reconstructions et autres rénovations urbaines engendrées produisent paradoxalement de plus en plus de non lieux, d’espaces vides, de zones en transition.

« Ces espaces résiduels, produits involontaires de l’aménagement urbain, sont nommés interstices. » (3)

Un interstice est « un espace qui sépare deux choses » (Cnrtl), il serait déterminé par ce qui l’entoure, il n’est ni une limite, ni une interruption, mais plutôt une articulation entre différents éléments, voire une « respiration dans la continuité » urbaine. Echappant au contrôle, ces interstices semblent être « le contraire des espaces figés par des fonctions ou des formes assignées par la planification urbaine » (3). Le sociologue Pascal Nicolas Le Strat précise que « les interstices représentent ce qui résiste encore dans les métropoles, ce qui résiste aux emprises normatives et réglementaires, ce qui résiste à l’homogénéisation et à l’appropriation. Ils constituent en quelque sorte la réserve de « disponibilité de la ville » (3).

Ces espaces n’ont pas ou plus de fonction, voire de légitimité dans la ville, et c’est à cette condition que ces non-lieux deviennent des lieux des possibles (3). Ces micros habitats peuvent alors s’insérer dans ces fragments, ces anfractuosités et autres interstices, et contribuent par là-même à (re)façonner le paysage urbain.

Les notions de micro architecture et d’interstices urbains, comme outils à un urbanisme durable, nous permettent d’enrichir et de poursuivre notre réfléxion disruptive sur un projet d’habitat alternatif branché à la ville ...

(1) Constructions de petites échelles, Editions du Pavillon de l'Arsenal 
à l'occasion de l'exposition "Constructions de petites échelles", décembre 2001
(2) L'interstice : un nouvel espace d'émancipation urbaine, 
Laurent Karst (architecte designer), pp. 114-119, dans Machines de guerre urbaines, 
sous la direction de Manola Antonioli (philosophe), Editions La Loco, 2015
(3) Dans les interstices : Etienne Boulanger, 
Katia Gagnard, pp. 93-104, dans Machines de guerre urbaines, 
sous la direction de Manola Antonioli (philosophe), Editions La Loco, 2015
(4) Source : http://www.etienneboulanger.com/fr/

** Source photo : Wikimedia, La Villa Cheminée (Estuaire, Cordemais)(auteur : Dalbera) **